La chasse

45 1 3
                                    

Cela fait des jours que les cadavres sont au milieu de la neige. J'espère que les loups ou les chiens qui se sont attaqués à ces carcasses ont emporté avec eux les livres que j'ai disposé sur quelques corps. Ce sera sûrement un animal dressé par un Immortel, à coup sûr. Au milieu des corps, un chariot rempli que les victimes auraient traînées avec elles. Une mise en scène savamment orchestrée pour ne pas éveiller les soupçons et susciter suffisamment d'intérêts pour un Immortel. Et moi, toujours dans le sens contraire au vent dans ce couloir olfactif. Même si je suis à plus d'un mile et que je peux aligner ma cible d'une balle dans la tête avec mon fusil de précision. Je dois redoubler de prudence. Ici, on chasse l'Immortel. Ils s'éteignent petits à petit mais les derniers ne se laisseront pas prendre facilement et vendront leurs peaux chèrement.

Je peux tirer leurs corps de 200 000 000 Bytes$ pièce, une fortune en plus de la prime de la Confédé-Nations . La plupart sont recherchés pour Crimes contre l'humanité. La durée de vie humaine aujourd'hui à été fixée selon l'amendement 28 à 150 années terrestres. Les dérogations d'extension sont rares. La cultures de souches étant trop énergivore par rapport au coût marginal d'année en plus d'un "Vioque".C'est comme ça qu'on appelle les Immortels entre chasseurs de prime. C'est devenu illégal d'entretenir ces vieilles carcasses. Les indiens et les chinois ont été les premiers à réfléchir au problème. Au début avant les purges, il y en avait qui avaient été entretenus depuis près de 6 siècles. Avec des biotechnologies toujours plus innovantes et la bioéthique qui n'était qu'à ses balbutiements. Il y a eu des abus dans la conservation vivante, des parents qui se retrouvaient mariés avec leurs petits-enfants. Des héritages qui disparaissaient, et même des Immortels qui dévoraient leurs familles de crainte qu'elles ne les tuent. Aujourd'hui l'Administration Centrale avait fiché l'ensemble des humains et des autorisés. Les non-autorisés qui avaient échappé aux purges et au fichage était systématiquement traqués. On leur donnait des noms de code : Bibliques, si c'était un immortel, un numéro accompagné d'un prénom si c'était un clone illégal, et pour les criminels de laboratoires c'était le nom du labo qui avait porté plainte.

Je chassais Noé depuis près de cinq ans. Une vraie légende ! Il devait avoir près de 3 siècle. Il avait survécu à la Grande Purge et aucun chasseur vivant ne l'avait encore revu depuis le siècle dernier. Les derniers témoignages remontaient à plus de vingt ans que j'avais compilé pendant deux mois sur les réseaux. Je l'avais traqué sur 3 continents. Des alarmes de présence gaspillés sur au moins une quarantaine de sites, sans résultats. Des indics qui m'ont promené pendant des mois. Et là, je tenais enfin une piste. Près des villages en hautes montagnes avec une végétation dense et des routes qui disparaissaient en hiver, les habitants parlaient d'un ermite vivant dans les montagnes et qui descendait de temps en temps chasser avec des loups. La région étant relativement pauvre, les réseaux électriques fonctionnaient par intermittence. Donc inutile de compter sur les réseaux pour alerter les renforts. Et donc parfait pour une planque de longue durée.

Je descendis dans le village où certains l'avaient aperçu, prétendant être passeur et cherchant à passer la frontière par la montagne pour rejoindre le temple de réfugiés bouddhistes de l'autre côté. Comme ça, les cadavres que je transportais, avaient une histoire au cas où des indics le préviendrait. Malgré la prime, les Immortels parvenaient toujours à trouver des complicité parmi des crédules qui les prenaient pour des sorciers gourou ou autre marabout... La plupart ayant amassé des connaissances encyclopédiques connaissait notamment la médecine de survie par cœur. Ils échangeaient des soins contre de la nourriture ou des divertissements lorsqu'ils étaient seuls. Les binômes se risquaient moins à ce genre de pratique. Ils étaient plus rares, et extrêmement difficile à débusquer. Car généralement ils arrivaient à s'auto suffire à deux. Et la chasse et l'agriculture à deux était nettement plus facile et moins monotone. Parmi les solitaires, certains ne supportaient pas cette solitude et mourraient dans des coins reculés, ou en provoquant pour une dernière fois l'ensemble d'une meute de chasseurs de prime pour vivre une dernière fois. C'était le cas du célèbre Nemrod. Dans sa traque, il avait réussi à tuer une dizaine de chasseurs avant d'être grièvement blessé et quatre autres chasseurs sont morts pour avoir voulu le capturer vivant. Je lui ai mis une balle dans le cœur et une dans la tête. J'ai récolté un blâme de la guilde des chasseurs de primes et une suspension d'un an pour n'avoir pas respecté les règles de conservation de la proie. Mais je n'ai jamais eu aucun regret. La mort devient une délivrance lorsqu'on n'attend plus rien de la vie. En ce qui me concerne je chasserai ou serai chassé. Hors de question de finir dans un mouroir, grabataire à attendre qu'une auxiliaire daigne vous laver.

La Chasse aux ImmortelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant